« La formation alternée séduit de plus en plus d’actifs, notamment des adultes, de par ses nombreux avantages en matière d’accès à l’emploi »

La loi du 21 décembre 2022 portant sur les mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi fait évoluer les dispositions relatives à la validation de l’expérience professionnelle (VAE).

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Un décret a été publié le 26 mai 2023 dans le Journal officiel portant sur une expérimentation nationale intégrant des actions de VAE au sein de contrats de professionnalisation. Cette réforme de la VAE est une opportunité pour favoriser l’intégration de publics peu ou pas qualifiés dans les entreprises afin de certifier leurs expériences et développer leur employabilité.

Entretien avec Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels auprès du ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion et du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse.

 

La loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 a été publiée au Journal officiel du 22 décembre 2022, après sa validation par le Conseil Constitutionnel. Quel sera le calendrier de mise en œuvre de cette réforme qui est très importante pour nombre d’organismes, dont le nôtre ?

Carole Grandjean : La réforme que nous avons votée fin 2022 répondait à des objectifs ambitieux de simplification, de modernisation et de sécurisation des parcours de VAE. Elle a profondément transformé ce dispositif, qui souffrait depuis de nombreuses années de freins importants, qui la faisaient plafonner à 30 000 parcours annuels. Ces transformations profondes appellent un travail réglementaire d’application de la réforme important et exigeant. Important d’abord, car il s’agit de traiter dans le règlement l’ensemble des objets de transformation, dont certains apportent des nouveautés fondatrices de la nouvelle procédure, comme l’intervention d’un architecte accompagnateur de parcours. Exigeant ensuite, car il s’agit de coordonner autour de la réforme tout un écosystème d’acteurs, qu’ils soient certificateurs, accompagnateurs ou financeurs. Les travaux de rédactions sont déjà considérablement avancés, et se poursuivent en ce moment par la consultation des ministères certificateurs et des régions. Le décret sera ensuite soumis, d’ici le mois de septembre, au Conseil d’État. Nous prévoyons une publication au début du second semestre 2023.

 

Quel lien existe-t-il entre cette nouvelle loi simplificative, qui bouleverse les fondements de la VAE posés en 2002, et la deuxième expérimentation menée par Olivier Gérard, chef de projet chargé de ces expérimentations intitulées « REVA » (services de la Première Ministre), et qui se terminera en juin 2023 ?

Cette loi simplifie l’accès à la VAE en la rendant plus accessible, moins basée sur les acquis scolaires et universitaires et davantage tournée vers les compétences acquises au cours de la vie. En ce sens, elle s’inscrit pleinement dans la droite lignée des parcours qui ont été expérimentés dans le cadre de REVA. REVA s’attachait à simplifier la recevabilité, en testant notamment la suppression du Cerfa et en exonérant le candidat de fournir des preuves d’expérience professionnelle, au profit d’un avis de faisabilité rendu rapidement. C’est en ce sens qu’est intervenue la réforme, qui a remanié la procédure de recevabilité au profit d’un entretien préalable plus centré sur les compétences des candidats. L’expérimentation tendait également à anticiper et individualiser l’accompagnement du candidat, en lui garantissant notamment l’accès à un architecte accompagnateur de parcours, dont la mission consistait à construire et suivre le parcours du candidat de bout en bout. La réforme a procédé en ce sens. Enfin, REVA devait tirer les enseignements de la pertinence du déploiement d’un service numérique dédié à l’information et au suivi du parcours, notamment du point de vue de la qualité de l’accompagnement et de ses effets sur le taux d’abandon. Là encore, la réforme a tiré les conséquences de ces développements en instituant, au profit des candidats, un service public numérique de la VAE.

 

Quelles seront les modalités pratiques de mise en œuvre de cette réforme et qu’en attendez-vous ?

Très concrètement, cette réforme s’opérationnalisera autour de deux objets phares. D’abord, le service public numérique de la VAE. La plateforme nationale dédiée au dispositif sera un vecteur puissant d’information, de promotion et de sécurisation des parcours. C’est sur cette plateforme que la nouvelle fonction d’architecte accompagnateur de parcours pourra être déployée au profit du candidat. Je souhaite que ce service public garantisse deux choses. D’abord, qu’il soit territorial. Je souhaite ainsi que sur cette plateforme, les services déployés et les ambitions affichées par les régions trouvent un relai efficace, car c’est la condition de réussite de cette réforme.

Ensuite, j’ai souhaité que cette réforme installe un cadre de gouvernance de la VAE plus efficace et agile, de sorte que les actions de chacune des parties prenantes puissent être mieux coordonnées au service de nos concitoyens. La réforme se mettra donc en place à l’aide d’un groupement d’intérêt public (GIP) qui rassemblera tous les acteurs compétents en matière de VAE, afin que chacun puisse orienter son action dans le cadre de ce nouveau service public. Mes attentes sont claires : ces transformations doivent nous permettre d’atteindre 100 000 parcours de VAE, des délais très raccourcis et 100 % de passage en jury d’ici la fin du quinquennat.

 

Par cette réforme, la VAE sort du cadre du Code de l’éducation pour intégrer celui du Code du travail. En quoi est-ce fondamental ?

La VAE disposait d’un régime juridique divisé entre le code de l’Éducation et le code du travail. La simplification du dispositif passait également par une plus grande lisibilité du régime juridique. Son harmonisation au sein d’un seul et unique code apparaissait en ce sens nécessaire. Par ailleurs, la VAE ne constitue pas une voie de formation initiale. Elle est aujourd’hui identifiée comme un levier important de reconnaissance des qualifications des actifs, qu’ils soient demandeurs d’emploi comme salariés. Ce dispositif sert autant les stratégies d’insertion dans l’emploi que d’évolutions et de reconversions professionnelles. C’est donc tout naturellement qu’il s’inscrit dans l’objectif d’atteinte du plein emploi fixé par le président de la République, l’accès à la certification étant un des piliers de l’employabilité. L’harmonisation de son régime juridique au sein du code du travail trouve alors tout son sens.

 

Est-il également envisagé, dans le cadre de cette loi, de valoriser et mettre en avant les contrats de professionnalisation, un dispositif majeur dans le cadre, notamment, des reconversions professionnelles ?

La formation alternée séduit de plus en plus d’actifs, notamment des adultes, de par ses nombreux avantages en matière d’accès à l’emploi. En témoigne le regain d’intérêt que nous constatons pour le contrat de professionnalisation, depuis 2020. « Nous souhaitons tester la pertinence de l’utilisation du contrat de professionnalisation comme support de parcours individualisés et modulaires . » La loi de 2022 prévoit une expérimentation en matière de VAE inversée. Son principe est simple : former en situation de travail des salariés en contrat de professionnalisation et leur permettre de reconnaître les compétences acquises dans le cadre de ce parcours, au fil de l’eau, via une VAE. Le parcours de VAE n’est donc plus démarré postérieurement à l’action de formation ; il se déroule concomitamment. Le gain de temps est précieux et rend la formation plus attractive pour nombre d’actifs, qu’ils soient dans une démarche d’insertion ou de reconversion. À travers cette expérimentation, nous souhaitons tester la pertinence de l’utilisation du contrat de professionnalisation comme support de parcours individualisés et modulaires. Nous en tirerons les conséquences, avec ses acteurs et les partenaires sociaux, lors des discussions sur ces sujets.

 

Enfin, au vu de ces deux nouvelles lois en cours, selon vous quels seraient les rôles que les Geiq pourraient y avoir, sachant que, justement, leur dispositif original basé sur la reconversion-formation-accompagnement tutoré a fait ses preuves depuis plus de 20 ans ? Comment les Geiq pourraient-ils contribuer à ces évolutions, à leur échelle, forts de leur grande expérience en ces domaines ?

Les Geiq disposent en effet d’une expérience reconnue en matière d’accompagnement global, de formation et d’insertion dans l’emploi. Le large spectre d’intervention des groupements d’employeurs et leurs liens privilégiés avec les entreprises en font des acteurs clés de la politique d’insertion. Je suis convaincue que les Geiq ont tout leur rôle à jouer dans l’expérimentation que nous lançons en matière de VAE inversée. Vous maniez, peut-être mieux que quiconque et depuis de nombreuses années, les contrats de professionnalisation. Vous disposez, j’en suis certaine, de toutes les compétences pour accompagner vos entreprises adhérentes dans la réalisation de parcours en situation de travail, tout en construisant, pour chacun de vos bénéficiaire, un véritable schéma de montée en compétences. En ce sens, je serai heureuse de voir les Geiq candidater à cette expérimentation.

A propos de Carole Grandjean

Née le 18 mai 1983 à Suresnes (Hauts-de-Seine), Carole Grandjean est une femme politique française, élue députée LREM de la première circonscription de Meurthe-et-Moselle en 2017 puis réélue en 2022. Le 4 juillet 2022, elle est nommée ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels auprès du ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion et du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse.