« L’intégration de Valdèse en entreprise fut épique »

Françoise Douault occupe la fonction de responsable accompagnement à Alemploi regroupant les Geiq BAT TP Indus et Interpro Alsace. Elle raconte l'incroyable histoire de Valdèse, jeune migrant camerounais qui a traversé l’Afrique du Nord à pied pour 
arriver à Strasbourg.

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Cette interview a été réalisée dans le cadre du magazine La plus belle façon d'embaucher, créé à l'occasion de la 5ème édition de l'événement "3 jours avec les Geiq".


Accompagné par le Geiq, Valdèse est aujourd’hui embauché dans le secteur du bâtiment dans l’entreprise qui l’a accueilli et a pu passer un CAP d’étancheur bardeur. Le tout en collectionnant en parallèle les trophées en boxe amateur. Un témoignage transpirant d’humanité !

Par quels chemins Valdèse est-il passé avant de connaître le Geiq ?

Françoise Douault : L’histoire que m’a racontée Valdèse est extraordinaire. À 16 ans, Valdèse quitte le Cameroun seul pour atteindre, à pied, la ville autonome espagnole de Ceuta située au nord-est du Maroc. Il est enfermé dans un camp avec des centaines d'autres migrants, délimité par deux grillages hauts de quatre mètres, augmentés de barbelés et surveillés de part et d'autre par les polices marocaine et espagnole afin de les dissuader d’aller vers le continent européen. Il tente de s'échapper du camp à plusieurs reprises, se fait tirer dessus avec des balles à blanc, se blesse avec les barbelés. Il est repris maintes et maintes fois par des policiers violents et sans scrupule. Il reste neuf mois dans ce camp dans des conditions d'hébergement spartiates. Il finit par se faire la belle ! « Un coup de chance », comme il me l'a dit... Il traverse l'Espagne à pied, en voiture, en train, sans papier, sans argent... Il gagne Paris. Il y séjourne trois semaines, ne rencontre personne, dort là où il trouve de la place. Un matin, il part à la gare de l'Est et monte dans un train pour… Strasbourg. Un pur hasard ! Il a 17 ans, il dort à la gare. Il est repéré la première semaine par un représentant du Conseil départemental qui l'emmène dans un foyer. Et là, il trouve enfin un peu de répit. Il retrouve un cadre, de la chaleur, de la nourriture et de l'écoute. Il retrouve peu à peu ses forces et sa confiance. Il peut rêver à son avenir…

Quel parcours Valdèse a-t-il suivi depuis qu’il a été accompagné par le Geiq ?

Quand il était dans un foyer, son éducatrice l'a inscrit à l'université de l'Esplanade où il a suivi des cours de FLE [ndlr : Français Langue Étrangère] pendant trois mois. Puis elle l’a positionné sur une offre d'apprentissage parue sur le site du Geiq BAT Alsace. Valdèse a donc postulé sur une offre de couvreur. Encore un pur hasard car il ne connaît pas vraiment le métier. Présenté par le Geiq BAT Alsace à l'entreprise Corebat à Entzheim, il est retenu pour faire un CAP étancheur bardeur. Valdèse a été orienté vers un métier en tension qui n'attire pas les jeunes car ce travail se fait en extérieur et en hauteur puisqu’il s’agit d’appliquer des produits d’échantéité sur les toits. Son profil était vraiment intéressant, de par son envie, sa motivation et son sourire.

Comment s'est passée l’intégration de Valdèse dans l’entreprise qui l’a accueilli ?

L'intégration en entreprise fut épique. Les codes, les équipements de sécurité, le matériel, la préparation de chantier, les chronologies des tâches : tout était inconnu pour Valdèse. Son tuteur, ses collègues et son encadrement en entreprise ont été extraordinaires. Son savoir-être, sa gentillesse et sa bonne humeur ont gagné sur ses difficultés à assimiler le travail. Au début de son apprentissage, Valdèse était capable de jeter une palette en bois du haut d'un immeuble sans regarder en bas ce qui s'y passait ! D’ailleurs, une camionnette de l'entreprise en a fait les frais... Autre exemple, Valdèse appliquait le revêtement bitumeux à la main… Sans gants ! Puis il s'essuyait le visage en oubliant ses mains visqueuses et noires de bitume. Ses premières bêtises lui ont valu de grosses colères de la part de son tuteur mais, au final, de grands souvenirs et une franche rigolade. La deuxième année fut plus rigoureuse en entreprise, Valdèse a fait preuve d’une assiduité exemplaire. Il a éprouvé quelques difficultés en formation mais il a reçu des remarques positives de par sa participation et son envie de bien faire.

En quoi le dispositif Geiq répondait-il au besoin de l'entreprise et de Valdèse ?

Valdèse avait besoin d'identifier des points d'ancrage pour bien comprendre ses objectifs contractuels en entreprise et en formation. La chargée d'accompagnement du Geiq sait donner du temps car c'est son métier et son objectif est de répondre parfaitement aux attentes de l'alternant. De plus, les rencontres étaient toujours orientées vers des explications constructives, jamais répressives. Par conséquent, il naît forcément une relation de confiance entre l'accompagnateur et l'alternant.

L’histoire de Valdèse est assez incroyable...

Oui, grâce à sa persévérance ! Elle illustre aussi celle de tous ces jeunes Africains qui rêvent d'une autre vie... Valdèse a la gnaque. Il n'a pas peur d'affronter les difficultés et il les surmonte. Son parcours en est la preuve. Et ce n’est pas tout ! Valdèse s’est également inscrit, en amateur, dans un club de boxe. Il est champion régional Grand Est 2018, 2019 et 2020 dans la catégorie des moins de 81 kg ! Il boxe aussi dans des championnats frontaliers, en Allemagne et en Suisse. Ce garçon se bat au sens propre comme au sens figuré, il ne lâche rien.

Est-ce que la crise sanitaire a impacté son accompagnement ?

Valdèse s'est arrêté, comme beaucoup, lors du premier confinement, dès la mi-mars 2020 et a repris le travail à la mi-mai. Il a continué sa formation à distance avec le CFA pour des cours théoriques mais aussi en technologie métier. Il s'ennuyait beaucoup et n'avait qu'une hâte : retourner au travail... Il a obtenu son CAP et il est fier d'avoir atteint son objectif. En septembre 2020, Valdèse, alors tout juste majeur, a été embauché dans l'entreprise qui l’a accueilli en CDD de 6 mois, qui est actuellement renouvelé et devrait se transformer en CDI à la sortie de la crise sanitaire.