Cet entrepreneur a le Geiq dans le sang !

Direction la Bretagne, du côté de Lorient (Morbihan), pour rencontrer Damien, salarié en alternance mis à disposition par le Geiq BTP 56 au sein de la SARL Sylvestre. À la tête de cette entreprise de BTP, Pierre-François Le Bail, un professionnel averti et haut en couleurs, qui mène sa barque avec intelligence. Tombé dans la marmite Geiq lorsqu’il était plus jeune, accompagné lors de sa reconversion, lui-même emploie plusieurs salariés en formation sous l’égide du Geiq BTP 56, auquel bien évidemment son entreprise adhère.

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« Dans ma famille, on est soit marin, soit maçon ! », annonce d’emblée Pierre-François Le Bail. Comme un destin familial quasi implacable, alors que l’intéressé, comme pour contrarier le sort, a tout fait pour s’en extirper… avant de céder. Qu’on en juge plutôt au regard de son parcours scolaire : un DUT (Diplôme Universitaire de Technologie) « Génie mécanique et productique », maths sup, maths spé… se profilait une carrière d’ingénieur pour le jeune homme brillant. « Je faisais les saisons pendant les vacances, je travaillais les week-ends en grande surface et, très vite, je me suis rendu compte que je voulais un travail manuel, concret, je ne me voyais pas du tout rester à faire des plans dans un bureau », retrace l’intéressé. Qui se souvient qu’enfant, un cousin lui avait dit que, plus grand, il serait maçon. « Jamais ! », lui avait alors rétorqué avec fougue Pierre-François Le Bail. Et pourtant… « En fait, depuis tout gosse, j’étais attiré par le bâtiment et comme je voulais prendre mon indépendance, j’ai cherché du boulot dans ce secteur-là. J’ai postulé dans plusieurs boîtes, jusqu’à ce que je rencontre un homme qui a beaucoup compté pour moi, M. Pinault, le patron de SBRL, Société Bâtiment Région Lorientaise », raconte Pierre-François Le Bail. Qui poursuit ainsi : « M. Pinault m’a dit : "Ok, je te prends. Mais tu vas devoir retourner à l’école, mon gars !" Alors j’ai signé un contrat en alternance avec le Geiq BTP 56 afin de préparer un CAP maçonnerie. Et c’est là que tout a vraiment commencé. C’était il y a 15 ans déjà… »

Marie-Pierre Chopard, directrice du Geiq BTP 56 depuis 2007, connaît bien Pierre-François Le Bail : « Il ne correspondait pas du tout aux profils habituels avec son parcours scolaire royal et son bagage conséquent. Mais il avait besoin d’un CAP pour travailler, ce qui bien évidemment ne lui a pas posé de problèmes. SBRL était un de nos adhérents, l’entreprise recourait à nos services pour l’aider dans ses recrutements. » Pierre-François Le Bail fait donc ses premières armes de maçon au sein de la SBRL. « M. Pinault m’avait dit qu’un jour, je créerais ma propre boîte. J’en rigolais car ce n’était ni dans mes intentions, ni dans mes projets. Mais il avait en quelque sorte raison : je n’ai pas créé mon entreprise, j’en ai repris une déjà existante. » Effectivement, Pierre-François Le Bail quitte la SBRL pour intégrer la SARL Sylvestre, qui était alors un de ses sous-traitants.

Le jeune quadra, après plusieurs étapes et prises de responsabilités, reprend l’entreprise en 2022. « Ce n’était pas forcément prévu mais cela s’est fait naturellement, en douceur. » Aujourd’hui, l’entreprise emploie 13 salariés, lui compris, et s’est orientée vers les chantiers délicats, difficiles. « Au départ, la société Sylvestre était avant tout spécialisée dans les travaux de terrassement et d’assainissement. Moi, faire des trous dans des champs, ce n’est pas mon dada, franchement ! Ce que j’aime, ce sont les moutons à cinq pattes, les canards boiteux : les chantiers difficiles, ceux dont personne ou presque ne veut car il faut trouver à chaque fois des solutions. Comme par exemple murer un vieux blockhaus tout en laissant la possibilité aux chauves-souris de pouvoir y nicher. Ou alors refaire les joints d’une digue, uniquement en utilisant des barges, seul accès possible », raconte avec passion Pierre-François Le Bail, entre deux boutades ou bons mots. À la Bretonne, en somme !

Le Geiq BTP 56 en bref

Rayonnant sur le Morbihan, le Geiq BTP 56 fait partie des premiers Geiq créés puisqu’il a été fondé fin 1996. Aujourd’hui, il compte 32 entreprises adhérentes. Depuis 2007, sa directrice est Marie-Pierre Chopard, qui elle-même a un parcours singulier : recrutée en 1999 via le dispositif de l’époque « Emploi Jeunes », son poste a été maintenu par la suite via un CDI signé cinq ans plus tard, avant de prendre la direction de la structure après le départ de la personne qui occupait ce poste. C’est dire si elle a, elle aussi, le Geiq dans le sang ! Fin 2023, le Geiq BTP 56 accompagnait une quarantaine de salariés, pour 24 équivalents temps plein. « Nos chiffres sont stables depuis 7 à 8 ans. Au début des années 2000, nous accompagnions une soixantaine de salariés. Puis suite à la crise de 2008, ce chiffre a baissé, pour ensuite se stabiliser », souligne Marie-Pierre Chopard.

La reconnexion avec le Geiq s’est opérée en décembre 2021, alors qu’il vient d’embaucher Damien en CDD, à condition qu’il se forme au métier de maçon. « J’étais en fin de CDD et Pierre-François m’a clairement dit que si je voulais rester dans sa boîte, il fallait que je fasse comme lui quelques années avant, c’est-à-dire obtenir une certification professionnelle. Moi, à la base, j’ai un CAP logistique, ce qui n’a rien à voir… Je travaillais dans le transport poids-lourd et je voulais changer de secteur d’activité. Je passe mon permis "pelle" en 2021, en activant mon Compte Personnel de Formation. Mais, derrière, personne ne veut m’embaucher… Pierre-François m’accorde un rendez-vous. Tout de suite, ça matche entre nous et je commence dans la foulée, par la base : comment pousser une brouette ! », s’esclaffe Damien. Lui et son boss se sont effectivement bien trouvés, et sur plusieurs terrains communs.

La suite se passe sous la férule bienveillante et accompagnatrice du Geiq BTP 56 : 420 heures de formation en alternance sur un an, à raison de trois semaines en entreprise et une semaine de cours chaque mois. Avec à la clé une certification décrochée en mars 2023. Belle pêche dans le chalut du merlu Pierre-François Le Bail que cette recrue, qui n’est d’ailleurs pas la seule à avoir intégré son entreprise via le dispositif Geiq. « Nous sommes trois salariés sur treize à être passés par le Geiq. Il y en aura probablement d’autres mais plus tard. Il faut prendre le temps, disposer d’un bon tuteur, d’autant que nos interventions très spécifiques nécessitent ensuite plusieurs années pour que chaque nouveau venu soit opérationnel et autonome », expose le jeune entrepreneur qui, au fil des ans, a gagné en maturité, voire en sagesse. Quand on lui demande de résumer le Geiq en trois mots, il prend le temps de la réflexion, avant de s’exprimer : « Simplification administrative, efficacité et liens tissés. » Bon, cela fait cinq mots, mais comment lui en tenir rigueur ?! Cet homme-là a le Geiq dans le sang.

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